La seule lecture du synopsis donne une envie folle de voir le film et dit tout de l’inventivité du scénariste Tarantino. Jackie Brown se situait déjà à contre-pied, le cinéaste continue son parcours sans se soucier du déferlement médiatique qu’il connaît depuis ses débuts. Entre deux films, il a toujours souhaité prendre son temps : « Je savais que ce serait une bonne chose. Parce que les médias avaient atteint ce point de non-retour où ils ne pouvaient que me détester, me vomir pour cause d’indigestion. » déclare-t-il après le succès de Pulp Fiction. Il privilégie alors sa casquette de cinéphile plutôt que celle de cinéaste, et consacre tout son temps à voir des films. Quand Kill Bill sort, on comprend que, décidément, l’œuvre de Tarantino sera un voyage dans le cinéma, celui qu’il aime et qu’il veut faire aimer. Kill Bill est une relecture brillante des westerns spaghettis, des films de samouraïs, des films d’arts martiaux chinois et des films d’animation japonais. Tarantino le décrit comme un concentré du cinéma populaire qu’il a absorbé à doses massives au cours des trente-cinq dernières années. Uma Thurman endosse son costume à la perfection et signe avec cette héroïne une partition fructueuse. La première partie du tournage débute aux studios de Pékin (il y en aura une deuxième au Japon, puis une dernière aux États-Unis), créés par l’épouse de Mao pour tourner des films de propagande. Tarantino a fait appel aux talents locaux pour constituer l’équipe qu’il ne souhaitait pas uniquement américaine. Résultat : « Nos décorateurs japonais et chinois ont accompli ensemble des prodiges que nul ne pouvait escompter » estimait Lawrence Bender, à la sortie du film. Kill Bill se compose d’une série de chapitres dont chacun puise son look et sa rythmique au sein d’un genre distinct et s’enrichit de références à la culture pop et à d’autres cinématographies : une scène de flingage typique du cinéma yakuza est ainsi traitée en version animée, accompagnée d’une musique de western italien ! Tarantino produit ainsi avec jubilation un cinéma de genre, mais chargé d’un esprit de rébellion sous-jacent qui lui confère une intensité émotionnelle et un pouvoir de fascination durables.
L’Old School Martial Arts Cinema
Dans les années 1970, grâce au succès et au talent de Bruce Lee, les films d’arts martiaux débarquent aux États-Unis. L’Old School Martial Arts Cinema à South Bay les programme pendant deux ans sans discontinuer. Tarantino, fasciné, y passera de longues heures. Cette boulimie ne cessera pas : pendant l’écriture de Kill Bill, le cinéaste visionnera quotidiennement deux à trois films d’arts martiaux.
Deux volumes pour un film
Initialement prévu comme un seul long métrage, Kill Bill devient une œuvre à deux têtes. Tarantino savait qu’il voulait faire deux épisodes, mais n’osa pas proposer explicitement la formule au producteur Harvey Weinstein, fondateur de Miramax, une société new-yorkaise de production-distribution en pleine gloire. Mais Weinstein, comprenant qu’il ne fallait rien couper à ce qu’il voyait, proposa lui-même d’en faire deux films.
Un entraînement de haut niveau
Tarantino est un perfectionniste. Un centre d’entraînement pour les acteurs est installé dans un entrepôt au sud de Los Angeles. Au programme : apprentissage du japonais, initiation au maniement du sabre auprès de Sonny Chiba et aux arts martiaux avec le chorégraphe et réalisateur Yuen Wo-Ping, stretching matinal, exercices de voltige, musculation…
Scène d’anthologie
Il faudra huit semaines pour tourner le magistral combat entre la Mariée et O-Ren Ishii à la villa des Feuilles bleues, scène finale du premier épisode, d’une durée de vingt minutes. Huit semaines, soit juste deux semaines de moins que la totalité de Pulp Fiction.
Soundtrack
« J’ai du mal à avancer dans l’écriture tant que je n’ai pas trouvé le premier morceau musical qui mettra les spectateurs dans l’ambiance. J’ai très vite su que celui de Kill Bill serait Bang Bang (My Baby Shoot Me Down). C’est la musique qui m’aide à trouver le rythme, la pulsation du film. » La plupart des musiques de ses films sortent de sa discothèque. La bande originale de Kill Bill mêle donc rockabilly, avec Charlie Feathers et The 5, 6, 7, 8’s, et de nombreux extraits de BO de films de genre, allant du western au thriller en passant par la Blaxploitation, avec Isaac Hayes et Quincy Jones. « Tout se passe comme si je livrais avec mes films une cassette de mes morceaux favoris. La qualité sonore en plus. »
Kill Bill : Volume 1 (Kill Bill : Vol. 1)
États-Unis, 2003, 1h51, couleurs et noir et blanc, format 2.35
Réalisation & scénario : Quentin Tarantino
Photo : Robert Richardson
Musique : Nancy Sinatra (Bang Bang/My Baby Shot Me Down), Bernard Herrmann (Twisted Nerve), Quincy Jones (Ironside), Charlie Feathers (That Certain Female), Isaac Hayes (Truck Turner, Run Fay Run), Luis Bacalov (Il Grande Duello), Armando Trovajoli (I Lunghi Giorni Della Vendetta), Al Hirt (Green Hornet), Zamfir (The Lonely Shepherd), The 5.6.7.8’s (Woo Hoo), Tomoyasu Hotei (Battle Without Honor or Humanity), Ennio Morricone (Death Rides A Horse), Santa Esmeralda (Don’t Let Me Be Misunderstood), The RZA/Charles Bernstein (Crane/White Lightning), The RZA (Yakuza Oren 1, Banister Fight), Meiko Kaji (The Flower of Carnage, Urami-Bushi)
Montage : Sally Menke
Décors : David Wasco, Yohei Taneda
Costumes : Catherine Thomas, Kumiko Ogawa
Production : Lawrence Bender,
Miramax International, A Band Apart
Interprètes : Uma Thurman (la Mariée), Lucy Liu (O-Ren Ishii), Vivica A. Fox (Vernita Green), Daryl Hannah (Elle Driver), David Carradine (Bill),
Michael Madsen (Budd), Julie Dreyfus (Sofie Fatale), Chiaki Kuriyama (Gogo Yubari), Sonny Chiba (Hattori Hanzo), Gordon Liu Chia-hui (Johnny Mo), Michael Parks (le shériff), Jun Kunimura (Tanaka)
Sortie aux États-Unis : 10 octobre 2003
Sortie en France : 26 novembre 2003
Ce site nécessite l'utilisation d'un navigateur internet plus récent. Merci de mettre à jour votre navigateur Internet Explorer vers une version plus récente ou de télécharger Mozilla Firefox. :
http://www.mozilla.org/fr/firefox